dimanche 2 décembre 2012

Les lois de Manu "The Laws Of Manou"





Les lois de Manu "The Laws Of Manou" 1500 BCE Chapitre Ipar Immanouel Jibril

 Manava/Humain. Dharma/Devoir. Shastra/Écrite.
1. Manou était assis, ayant sa pensée dirigée vers un seul objet;
les Maharchis (maha « grand », rishi « voyant ») l'abordèrent, et,
après l'avoir salué avec respect, lui adressèrent ces paroles :

2. «Seigneur, daigne nous déclarer, avec exactitude. et en suivant l'ordre,
les lois qui concernent toutes les classes primitives, et les classes nées du
mélange des premières.

3. «Toi seul, ô Maître, connais les actes, le principe et le véritable sens de
cette règle universelle, existante par elle-même, inconcevable, dont la
raison humaine ne peut pas apprécier l'étendue, et qui est le Véda. »

4. Ainsi interrogé par ces êtres magnanimes, celui dont le pouvoir était
immense, après les avoir tous salués, leur fit cette sage réponse :
«Ecoutez », leur dit-il.

5. Ce monde était plongé dans l'obscurité; imperceptible dépourvu de tout
attribut distinctif, ne pouvant ni être découvert par le raisonnement, ni
être révélé, il semblait entièrement livré au sommeil.

6. «Quand la durée de la dissolution (Pralaya) fut à son terme, alors le
Seigneur existant par lui-même, et qui n'est pas à la portée des sens
externes, rendant perceptible ce monde avec les cinq éléments et les
autres principes, resplendissants de l'éclat le plus pur, parut et dissipa
l'obscurité, c'est-à-dire, développa la nature (Prakriti).

7. «Celui que l'esprit seul peut percevoir, qui échappe aux organes des
sens, qui est sans parties visibles, éternel, l'âme de tous les êtres, que nul
ne peut comprendre, déploya sa propre splendeur.

8. «Ayant résolu, dans sa pensée, de faire émaner de sa substance les
diverses créatures, il produisit d'abord les eaux dans lesquelles il déposa
un germe.

9. «Ce germe devint un oeuf brillant comme l'or, aussi éclatant que l'astre
aux mille rayons, et dans lequel l'Etre suprême naquit lui-même sous la
forme de Brahmâ, l'aïeul de tous les êtres.

10. «Les eaux ont été appelées nârâs, parce qu'elles étaient la production
de Nara (l'Esprit divin); ces eaux ayant été le premier lieu de mouvement
(ayana) de Nara, il a, en conséquence, été nommé Nârâyana (celui qui se meut sur les eaux).

11. «Par ce qui est, par la cause imperceptible, éternelle, qui existe
réellement et n'existe pas pour les organes, a été produit ce divin mâle
(Pouroucha), célèbre dans le monde sous le nom de Brahmâ.

12. «Après avoir demeuré dans cet oeuf une année de Brahmâ, le
Seigneur, par sa seule pensée, sépara cet oeuf en deux parts ;

13. «Et, de ces deux parts, il forma le ciel et la terre; au milieu il plaça
l'atmosphère, les huit régions célestes, et le réservoir permanent des eaux.

14. «Il exprima de l'Ame suprême, le sentiment (Manas) qui existe par sa
nature, et n'existe pas pour les sens ; et avant la production du sentiment,
l'Ahankâra (le moi), moniteur et souverain maître ;

15. «Et, avant le sentiment et la conscience, il produisit le grand principe
intellectuel (Mahat), et tout ce qui reçoit les trois qualités, et les cinq
organes de l'intelligence destinés à percevoir les objets extérieurs, et les
cinq organes de l'action, et les rudiments (Tanmâtras) des cinq éléments.

16. «Ayant uni des molécules imperceptibles de ces six principes doués
d'une grande énergie, savoir, les rudiments subtils des cinq éléments et la
conscience à des particules de ces mêmes principes, transformés et devenus
les éléments et les sens, alors il forma tous les êtres.

17. «Et parce que les six molécules imperceptibles émanées de la substance
de cet Être suprême, savoir les rudiments subtils des cinq éléments et la
conscience, pour prendre une forme, se joignent à ces éléments et à ces
organes des sens ; à cause de cela, les sages ont désigné la forme visible de
ce Dieu sous le nom de Sarira (qui reçoit les six molécules).

18. «Les éléments y pénétrèrent avec des fonctions qui leur sont propres,
ainsi que le sentiment (Manas), source inépuisable des êtres, avec des
attributs infiniment subtils.

19. «Au moyen de particules subtiles et pourvues d'une forme, de ces
sept principes (Pourouchas) doués d'une grande énergie, l'intelligence, la
conscience, et les rudiments subtils des cinq éléments, a été formé ce périssable
univers, émanation de l'impérissable source.

20. «Chacun de ces éléments acquiert la qualité de celui qui le précède, de
sorte que, plus un élément est éloigné dans la série, plus il a de qualités.

21. «L'Être suprême assigna aussi, dès le principe, à chaque créature en
particulier, un nom, des actes, et une manière de vivre, d!après les
paroles du Véda.

22. «Le souverain Maître produisit une multitude de Dieux (Dévas)
essentiellement agissants, doués d'une âme, et une troupe invisible de
Génies (Sâdhyas) et le sacrifice institué dès le commencement.

23. «Du feu, de l'air et du soleil, il exprima pour l'accomplissement du
sacrifice, les trois Védas éternels, nommés Ritch, Yadjous et Sâma.

24. «Il créa le temps et les divisions du temps, les constellations, les
planètes, les fleuves, les mers, les montagnes, les plaines, les terrains
inégaux ;

25. «La dévotion austère, la parole, la volupté, le désir, la colère, et cette
création, car il voulait donner l'existence à tous les êtres.

26. «Pour établir une différence entre les actions, il distingua le juste et
l'injuste, et soumit ces créatures sensibles au plaisir et à la peine, et aux
autres conditions opposées.

27. «Avec des particules (mâtrâs) ténues des cinq éléments subtils, et qui
sont périssables à l'état d'éléments grossiers, tout ce qui existe a été formé
successivement.

28. «Lorsque le souverain Maître a destiné d'abord tel ou tel être animé à
une occupation quelconque, cet être l'accomplit de lui-même, toutes les
fois qu'il revient au monde.

29. «Quelle que soit la qualité qu'il lui ait donnée en partage au moment
de la création, la méchanceté ou la bonté, la douceur ou la rudesse, la
vertu ou le vice, la véracité ou la fausseté cette qualité vient le retrouver
spontanément dans les naissances qui suivent.

30. «De même que les saisons, dans leur retour périodique, reprennent
naturellement leurs attributs spéciaux, de même les créatures animées
reprennent les occupations qui leur sont propres.

31. «Cependant, pour la propagation de la race humaine, de sa bouche,
de son bras, de sa cuisse et de son pied, il produisit le Brahmane, le
Kchatriya, le Vaisya et le Soûdra.

32. «Ayant divisé son corps en deux parties, le souverain Maître devint
moitié mâle et moitié femelle, et, en s'unissant à cette partie femelle, il
engendra Virâdj.

33. «Apprenez, nobles Brâhmanes, que celui que le divin mâle
(Pouroucha), appelé Viradj, a produit de lui-même, en se livrant à une
dévotion austère, c'est moi, Manou, le créateur de tout cet univers.

34. «C'est moi qui, désirant donner naissance au genre humain, après
avoir pratiqué les plus pénibles austérités, ai produit d'abord dix Saints
éminents (Maharchis), seigneurs des créatures (Pradjâpatis), savoir :

35. «Maritchi, Atri, Angiras, Poulastya, Poulaha, Kratou, Pratchétas ou
Dakcha, Vasichtha, Bhrigou et Nârada.

36. «Ces êtres. tout-puissants créèrent sept autres Manous, les Dieux
(Dévas)»et leurs demeures, et des Maharchis doués d'un immense
pouvoir ;

37. «Ils créèrent les Gnomes (Yakchas), les Géants (Râkchasas), les
Vampires (Pisâtchas), les Musiciens célestes (Gandharbas), les Nymphes
(Apsaras ),IesTitans(Asouras),lesDragons(Nâgas), les Serpents (Sarpas),
les Oiseaux (Souparnas), et les différentes tribus des Ancêtres divins
(Pitris) ;

38. «Les éclairs, les foudres, les nuages, les arcs colorés d'Indra, les
météores, les trombes, les comètes, et les étoiles de diverses grandeurs ;

39. «Des Kinnaras, les singes, les poissons, les différentes espèces
d'oiseaux, le bétail, les bêtes sauvages, les hommes, les animaux
carnassiers pourvus d'une double rangée de dents ;

40. «Les vermisseaux, les vers, les sauterelles, les poux, les mouches, les
punaises, et toute espèce de moustiques piquants; enfin, les différents
corps privés du mouvement.

41. «Ce fut ainsi que, d'après mon ordre, ces magnanimes sages créèrent,
par le pouvoir de leurs austérités, tout cet assemblage d'êtres mobiles et
immobiles, en se réglant sur les actions.

42. «Je vais maintenant vous déclarer quels actes particuliers ont été
assignés ici-bas à chacun de ces êtres, et de quelle manière ils viennent au
monde.

43. «Les bestiaux, les bêtes sauvages, les animaux carnassiers pourvus de
deux rangées de dents, les géants, les vampires et les hommes, naissent
d'une matrice.

44. «Les oiseaux sortent d'un oeuf, de même que les serpents, les
crocodiles, les poissons, les tortues, et d'autres sortes d'animaux soit
terrestres comme le lézard, soit aquatiques comme le poisson à coquille.

45. «Les moustiques piquants, les poux, les mouches, les punaises
naissent de la vapeur chaude; ils sont produits par la chaleur, de même
que tout ce qui leur ressemble, comme l'abeille, la fourmi.

46. «Tous les corps privés du mouvement, et qui poussent soit d'une
graine, soit d'un rameau mis en terre, naissent du développement d'un
bourgeon : les herbes produisent une grande quantité de fleurs et de
fruits, et périssent lorsque les fruits sont parvenus à leur maturité ;

47. «Les végétaux appelés rois des forêts n'ont point de fleurs et portent
des fruits ; et soit qu'ils portent aussi des fleurs ou seulement des fruits,
ils reçoivent le nom d'arbres sous ces deux formes.

48. «Il y a différentes sortes d'arbrisseaux croissant soit en buisson, soit en
touffe; puis diverses espèces de gramens, des plantes rampantes et
grimpantes. Tous ces végétaux poussent d'une semence ou d'un rameau.

49. «Entourés de la qualité d'obscurité manifestée sous une multitude de
formes, à cause de leurs actions précédentes, ces êtres, doués d'une
conscience intérieure, ressentent le plaisir et la peine.

50. «Telles ont été déclarées, depuis Brahmâ jusqu'aux végétaux, les
transmigrations qui ont lieu dans ce monde effroyable, qui se détruit sans
cesse.

51. «Après avoir ainsi produit cet univers et moi, celui dont le pouvoir est
incompréhensible disparut de nouveau, absorbé dans l'âme suprême,
remplaçant le temps de la création par le temps de la dissolution (Pralaya).

52. «Lorsque ce Dieu s'éveille, aussitôt cet univers accomplit ses actes;
lorsqu'il s'endort, l'esprit plongé dans un profond repos, alors le monde
se dissout.

53. «Car, pendant son paisible sommeil, les êtres animés pourvus des
principes de l'action quittent leurs fonctions, et le sentiment (Manas)
tombe dans l'inertie, ainsi que les autres sens :

54. «Et lorsqu'ils se sont dissous en même temps dans l'Ame suprême,
alors cette âme de tous les êtres dort tranquillement dans la plus parfaite
quiétude.

55. «Après s'être retirée dans l'obscurité primitive, elle y demeure
longtemps avec les organes des sens, n'accomplit pas ses fonctions, et se
dépouille de sa forme.

56. «Lorsque, réunissant de nouveau des principes élémentaires subtils,
elle s'introduit dans une semence végétale ou animale, alors elle reprend
une forme nouvelle.

57. «Cest ainsi que, par un réveil et par un repos alternatifs, l'Etre
immuable fait revivre ou mourir éternellement tout cet assemblage de
créatures mobiles et immobiles.

58. «Après avoir composé ce livre de la loi lui-même dès le principe, il me
le fit apprendre par coeur, et moi j'instruisis Marîtchi et les autres sages.

59. «Bhrigou, que voici, vous fera connaître pleinement le contenu dé ce
livre; car ce Mouni l'a appris en entier de moi-même. »

60. Alors le Maharchi Bhrigou, ainsi interpellé par Manou, dit avec
bienveillance à tous ces Richis : Ecoutez.

61. «De ce Manou Swâyambhouva (issu de l'Etre existant de lui-même)
descendent six autres Manous, qui, chacun donnèrent naissance à une
race de créatures; ces Manous, doués d'une âme noble et d'une énergie
supérieure étaient :

62. «Swârotchicha, Ottomi, Tâmasa, Raivata, le glorieux Tchâkchoucha, et
le fils de Vivaswat.

63. «Ces sept Manous tout-puissants, dont Swâyyambhouva est le
premier, ont chacun, pendant leur période (Antara), produit et dirigé ce
monde composé d'êtres mobiles et d'êtres immobiles.

64. «Dix-huit niméchas (clins d’oeil) font une kâchthâ; trente kâchthâs; une
kalâ, trente kalâs, une mouhoûrta : autant de mouhoûrtas composent un
jour et une nuit.

65. «Le soleil établit la division du jour et de la nuit pour les hommes et
pour les Dieux; la nuit est pour le sommeil des êtres, et le jour pour le
travail.

66. «Un mois des mortels est un jour et une nuit des Pitris ; il se divise en
deux quinzaines : la quinzaine noire est, pour les Mânes, le jour destiné
aux actions ; et la quinzaine blanche, la nuit consacrée au sommeil.

67. «Une année des mortels est un jour et une nuit des Dieux; et voici
quelle en est la division : le jour répond au cours septentrional du soleil,
et la nuit à son cours méridional.

68. «Maintenant, apprenez par ordre, et succinctement-, quelle est la
durée d'une nuit et d'un jour de Brahmâ, et de chacun des quatre âges
(Yougas) .

69. «Quatre mille années divines composent, au dire des sages, le Kritayouga
; le crépuscule qui précède est d'autant de centaines d'années; le
crépuscule qui suit est pareil.

70. «Dans les trois autres âges, également précédés et suivis d'un
crépuscule, les milliers et les centaines d'années sont successivement
diminués d'une unité.

71. «Ces quatre âges qui viennent d'être énumérés étant supputés
ensemble, la somme de leurs années, qui est de douze mille, est dite l'âge
des Dieux.

72. «Sachez que la réunion de mille âges divins compose en somme un
jour de Brahmâ, et que la nuit a une durée égale.

73. «Ceux qui savent que le saint jour de Brahmâ ne finit qu'avec mille
âges et que la nuit embrasse un pareil espace de temps, connaissent
véritablement le jour et la nuit.

74. «A l'expiration de cette nuit, Brahmâ, qui était endormi, se réveille; et,
en se réveillant, il fait émaner l'esprit divin (Manas), qui par son essence
existe, et n'existe pas pour les sens extérieurs.

75. «Poussé par le désir de créer, éprouvé par l'Ame suprême, l'esprit divin
ou le principe intellectuel opère la création, et donne naissance à l'éther,
que les sages considèrent comme doué de la qualité du son.

76. «De l'éther, opérant une transformation, naît l'air, véhicule de toutes
les odeurs, pur et plein de force, dont la propriété reconnue est la
tangibilité.

77. «Par une métamorphose de l'air est produite la lumière, qui éclaire,
dissipe l'obscurité, brille, et qui est déclarée avoir la forme apparente
pour qualité.


78. «De la lumière, par une transformation, naît l'eau, qui a pour qualité
la saveur; de l'eau provient la terre, ayant pour qualité l'odeur : telle est la
création opérée dès le principe.

79. «Cet âge des Dieux ci-dessus énoncé, et qui embrasse douze mille
années divines, répété soixante et onze fois, est ce que l’on appelle ici la
période d'un Manou (Manwantara).

80. «Les périodes des Manous sont innombrables ainsi que les créations et
les destructions du monde, et l'Être suprême les renouvelle comme en se
jouant.

81. «Dans le Krita-youga, la Justice, sous la forme d'un taureau, se maintient
ferme sur ses quatre pieds; la Vérité règne, et aucun bien obtenu par les
mortels ne dérive de l'iniquité.

82. «Mais dans les autres âges, par l'acquisition illicite des richesses et de la
science, la Justice perd successivement un pied; et remplacés par le vol, la
fausseté et la fraude, les avantages honnêtes diminuent graduellement
d'un quart.

83. «Les hommes, exempts de maladies, obtiennent l'accomplissement de
tous leurs désirs, et vivent quatre cents ans pendant le premier âge; dans
le Trétâ-youga et les âges suivants, leur existence perd par degré un quart
de sa durée.

84. «La vie des mortels déclarée dans le Véda, les récompenses des
actions et les pouvoirs des êtres animés, portent dans ce monde des fruits
proportionnés aux âges.

85. «Certaines vertus sont particulières à l'âge Krita, d'autres à l'âge Tréta,
d'autres à l'âge Dwâpara, d'autres à l'âge Kali, en proportion de la
décroissance de ces âges.

86. «L'austérité domine pendant le premier âge, la science divine pendant
le second, l'accomplissement du sacrifice pendant le troisième; au dire
des Sages, la libéralité seule pendant le quatrième âge.

87. «Pour la conservation de cette création entière, l'Être souverainement
glorieux assigna des occupations différentes à ceux qu'il avait produits de
sa bouche, de son bras, de sa cuisse et de son pied.

88. «Il donna en partage aux Brâhmanes l'étude et l'enseignement des
Védas, l'accomplissement du sacrifice, la direction des sacrifices offerts
par d'autres, le droit de donner et celui de recevoir ;

89. «Il imposa pour devoirs au Kchatriya de protéger le peuple, d'exercer
la charité, de sacrifier, de lire les Livres sacrés, et de ne pas s'abandonner
aux plaisirs des sens.

90. «Soigner les bestiaux, donner l'aumône, sacrifier, étudier les livres
saints, faire le commerce, prêter à intérêt, labourer la terre, sont les
fonctions allouées au Vaisya.

91. «Mais le souverain Maître n'assigna au Soûdra qu'un seul office, celui
de servir les classes précédentes, sans déprécier leur mérite.

92. «Au-dessus du nombril, le corps de l'homme a été proclamé plus pur,
et la bouche en a été déclarée la partie la plus pure par l'Etre qui existe de
lui-même.

93. «Par son origine, qu'il tire du membre le plus noble, parce qu'il est né
le premier, parce qu'il possède la Sainte-Écriture, le Brâhmane est de droit
le seigneur de toute cette création.

94. «En effet, c'est lui que l'Etre existant par lui-même, après s'être livré
aux austérités, produisit dès le principe de sa propre bouche, pour
l'accomplissement des offrandes aux Dieux et aux Mânes, pour la
conservation de tout ce qui existe.

95. «Celui par la bouche duquel les habitants du Paradis mangent sans
cesse le beurre clarifié, et les Mânes, le repas funèbre, quel être aurait-il
pour supérieur?

96. «Parmi tous les êtres, les premiers sont les êtres animés; parmi les
êtres animés, ceux qui subsistent par le moyen de leur intelligence : les
hommes sont les premiers entre les êtres intelligents, et les Brâhmanes,
entre les hommes ;

97. «Parmi les Brâhmanes, les plus distingués sont ceux qui possèdent la
science sacrée; parmi les savants, ceux qui connaissent leur devoir; parmi
ceux-ci, les hommes qui l'accomplissent avec exactitude ; parmi ces
derniers, ceux que l'étude des livres saints a conduits à la béatitude.

98. «La naissance du Brâhmane est l'incarnation éternelle de la justice ;
car le Brâhmane, né pour l'exécution de la justice, est destiné à s'identifier
avec Brahme.

99. «Le Brâhmane, en venant au monde, est placé au premier rang sur
cette terre ; souverain seigneur de tous les êtres, il doit veiller à la
conservation du trésor des lois civiles et religieuses.

100. «Tout ce que ce monde renferme est en quelque sorte la propriété du
Brâhmane ; par sa primogéniture et par sa naissance éminente, il a droit à
tout ce qui existe.

101. «Le Brâhmane ne mange que sa propre nourriture, ne porte que ses
propres vêtements, ne donne que son avoir; c'est par la générosité du
Brâhmane que les autres hommes jouissent des biens de ce monde.

102. «Pour distinguer les occupations du Brâhmane et celles des autres
classes dans l'ordre convenable, le sage Manou, qui procède de l'Être
existant par lui-même, composa ce code de lois.

103. «Ce livre doit être étudié avec persévérance par tout Brâhmane
instruit, et être expliqué par lui à ses disciples, mais jamais par aucun
autre homme d'une classe inférieure.

104. «En lisant ce livre, le Brâhmane qui accomplit exactement ses
dévotions, n'est souillé par aucun péché en pensée, en parole ou en
action.

105. «Il purifie une assemblée, sept de ses ancêtres et sept de ses
descendants, et mérite seul de posséder toute cette terre.

106. «Cet excellent livre fait obtenir toute chose désirée ; il accroît
l'intelligence, il procure de la gloire et une longue existence, il mène à la
béatitude suprême.

107. «La loi s'y trouve complètement exposée, ainsi que le bien et le mal
des actions et les coutumes immémoriales des quatre classes.

108. «La coutume immémoriale est la principale loi approuvée par la
Révélation (Srouti) et la Tradition (Smriti) ; en conséquence, celui qui
désire le bien de son âme doit se conformer toujours avec persévérance à
la coutume immémoriale.

109. «Le Brâhmane qui s'écarte de la coutume ne goûte pas le fruit de la
Sainte Écriture; mais s'il l'observe exactement, il obtient une récolte
complète.

110. «Ainsi les Mounis, ayant reconnu que la loi dérive de la coutume
immémoriale, ont adopté ces coutumes approuvées pour base de toute
pieuse austérité :

111. «La naissance du monde, la règle des sacrements (Sanskâras), les
devoirs et la conduite d'un élève en théologie (Brahmatchâri),
l'importante cérémonie du bain que prend l'élève avant de quitter son maître,
lorsque son noviciat est terminé ;

112. «Le choix d'une épouse, les divers modes de mariage, la manière
d'accomplir les cinq grandes oblations (Mahâ-Yadinas), et la célébration
du service funèbre (Srâddha) institué dès le principe ;

113. «Les différents moyens de soutenir sa vie, les devoirs d'un maître de
maison (Grihastha), les aliments permis et ceux qui sont défendus, la
purification des hommes et celle des ustensiles employés ;

114. «Les règlements qui regardent les femmes, le devoir austère des
Vânaprasthas ou anachorètes, celui des Sannyâsis ou dévots ascétiques, et qui
conduit à la béatitude (Mokcha), le renoncement au monde, tous les
devoirs d'un roi, la décision des affaires judiciaires ;

115. «Les statuts qui concernent le témoignage et l'enquête, les devoirs de
l'épouse et du mari, la loi de partage des successions, les défenses contre
le jeu, les châtiments à infliger aux criminels;

116. «Les devoirs des Vaisyas et des Soudrâs, l'origine des classes mêlées,
la règle de conduite de toutes les classes en cas de détresse, et les modes
d'expiations;

117. «Les trois sortes de transmigrations qui sont dans ce monde le
résultat des actions, la félicité suprême réservée aux bonnes oeuvres,
l'examen du bien et du mal ;

118. «Et enfin les lois éternelles des différentes contrées, des classes et des
familles, et les usages des différentes sectes d'hérétiques et des
compagnies de marchands, ont été déclarés dans ce livre par Manou.

119. «De même que jadis, à ma prière, Manou a déclaré le contenu de ce
livre, de même vous aujourd'hui apprenez-le de moi, sans suppression ni augmentation.